Chapitre VIII

Chapitre VIII

Une Noclare qui se marie un jour où la neige tombe a bien des chances d’être malheureuse en ménage.

La vieille Chrétienne marmottait ce dicton en se levant, au matin du jour qui devait voir s’accomplir l’union du marquis de Ghiliac et de Valderez de Noclare. Ce mariage n’était pas du tout dans les idées de Chrétienne, et celle-ci ne se faisait pas faute de recueillir les sombres présages qui devaient, selon elle, annoncer la destinée de la jeune fiancée.

Mme de Noclare vint présider à la toilette de sa fille. Mais, vaincue par la fatigue et l’émotion, elle dut se retirer bientôt afin de se reposer un peu avant le départ pour l’église. Marthe restait près de sa sœur, afin de l’aider dans les derniers détails de sa toilette.

Là, te voilà prête maintenant, chérie. Que tu es belle, ma Valderez ! Bien sûr M. de Ghiliac…

Un coup léger fut frappé à ce moment à la porte. Et Marthe, allant ouvrir, se trouva en présence de Mme de Ghiliac, dans la toilette sobrement élégante choisie pour ce mariage à la campagne.

Puis-je voir votre sœur, mon enfant ?

Oui, entrez donc, madame ! dit vivement Valderez en s’avançant vers sa future belle-mère.

Mme de Ghiliac lui tendit la main.

Je viens d’apprendre, ma chère enfant, que madame votre mère avait dû vous quitter pour se reposer quelques instants, et je venais voir si vous n’aviez pas besoin de quelques conseils pour votre toilette.

Que vous êtes bonne, madame ! dit Valderez, d’autant plus touchée que l’attitude de la marquise avait été hier constamment froide et réservée. Je vous remercie de tout cœur, mais vous le voyez, je suis prête.

Tant mieux pour vous si vous êtes exacte, car Élie ne peut supporter d’attendre.

Tout en parlant, elle se penchait et rectifiait un détail de la coiffure de la jeune fille. Ses lèvres se crispèrent un peu tandis que son regard, où passait une lueur brève, enveloppait l’admirable visage et rencontrait ces yeux bruns aux reflets d’or qui étaient faits pour charmer le cœur le plus insensible.

Oui, ce sera bien ainsi, mon enfant… Et vous voilà sans doute bien triste de quitter votre famille pour partir avec un étranger ?… car enfin, vous connaissez si peu Élie !

Sous ses cils abaissés, elle scrutait avidement la physionomie émue.

Oui, et c’est bien ce qui m’inquiète, madame, car je voudrais remplir le mieux possible tous mes devoirs d’épouse ; mais j’ignore presque tout de son caractère, de ses goûts, de ce qui peut lui plaire ou lui déplaire. Si vous vouliez me donner quelques conseils, m’indiquer quelques traits de sa nature…

Un léger frémissement courut sur le visage de la marquise, dont les yeux se détournèrent un peu du beau regard confiant et timide. Valderez vit, avec surprise, une expression de commisération un peu ironique apparaître sur la physionomie de Mme de Ghiliac.

Ma pauvre petite, que me demandez-vous là ? Des conseils pour vivre avec Élie ? Mais je ne pourrais vous en donner qu’en vous enlevant des illusions… car vous vous en faites, certainement. Voyons, qu’appelez-vous vos devoirs ?

Mais… c’est d’aimer mon mari, de lui être toute dévouée, et soumise dans tout ce qui est juste, dans tout ce qui n’est pas en contradiction avec ma conscience…

Mme de Ghiliac l’interrompit avec un petit rire bref :

Le dévouement et la soumission seront indispensables, en effet. Mais l’affection… Il sera bon de la modérer, en tout cas, mon enfant, si vous ne voulez pas souffrir, comme celle qui vous a précédée.

Souffrir ?… Pourquoi ? balbutia Valderez.

Parce que vous ne trouverez jamais d’attachement réciproque chez votre mari. Fernande en a su quelque chose, elle qui était passionnément éprise de lui, et, en retour, se voyait traitée avec une froideur dédaigneuse qui repoussait toutes ses manifestations de tendresse et s’irritait lorsqu’elle montrait quelque jalousie. Élie ne l’a jamais aimée ; il l’avait épousée seulement parce que son rang s’assortissait au sien, et qu’elle s’habillait avec beaucoup de goût et d’élégance, ce qui était, à cette époque, de première importance à ses yeux, — mais je dois ajouter qu’il n’en est plus ainsi, et que, s’il vous a choisie, c’est précisément à cause de votre simplicité, de votre ignorance de toutes les vanités mondaines. Il veut une épouse sérieuse et suffisamment intelligente pour ne pas imiter cette pauvre Fernande, en gênant, par un attachement trop vif, l’indépendance absolue à laquelle il tient par-dessus tout. Mon fils a un caractère fort autoritaire, et, tout enfant qu’il était, personne n’a jamais pu faire plier sa volonté. Mais il est généreux, très gentilhomme toujours. Seulement, il est incapable d’affection, — j’en sais quelque chose moi-même. C’est un cerveau, voilà tout.

Elle parlait d’un ton tranquille et mesuré, où une amertume légère passa aux derniers mots.

Valderez, un peu raidie, l’écoutait, ses yeux pleins d’angoisse fixés sur elle.

Cependant, une femme aucunement romanesque ni sentimentale pourra être assez heureuse près de lui, continua Mme de Ghiliac. Il lui suffira d’accepter ce que son mari voudra bien lui accorder en fait d’attention, de ne jamais s’immiscer dans ses occupations ni s’inquiéter de ses absences et de ses voyages, comme le faisait Fernande. La pauvre femme n’avait réussi qu’à provoquer chez lui une antipathie toujours grandissante, à tel point que, pour éviter d’être dérangé par elle, il avait imaginé d’imprégner son appartement et jusqu’à ses voitures particulières de certain parfum d’Orient qui faisait se pâmer et fuir Fernande. Mais une femme sérieuse et raisonnable saura éviter ces maladresses qui lui aliéneraient complètement Élie. Elle saura comprendre son rôle près de lui, qui ne se décide à se remarier que dans l’espoir d’avoir un héritier, la naissance d’une fille ayant été pour lui une véritable déception qu’il n’a jamais pardonnée à l’enfant. Il ignore l’affection paternelle, tout autant que l’amour conjugal. J’aime mieux vous le dire franchement, mon enfant, puisque vous me demandez de vous éclairer sur lui. Je dois aussi vous avertir qu’il est un psychologue inimitable, ne voyant dans autrui que de curieux états d’âmes, d’amusantes complications de caractères. Après avoir scruté à fond tous les cœurs féminins plus ou moins frivoles dont il est l’idole, peut-être trouvera-t-il intéressant d’étudier votre jeune âme toute neuve, peut-être se plaira-t-il à y faire naître des impressions qu’il analysera ensuite subtilement dans un prochain roman. Avouez, mon enfant, qu’il serait douloureux pour vous de vous laisser bercer d’un rêve, de penser avoir conquis le cœur de votre mari, et de vous apercevoir enfin que vous n’étiez pour lui qu’un sujet d’étude, peut-être un objet de caprice, que son dilettantisme laissera de côté le jour où il en sera las.

Valderez, devenue très pâle, eut un mouvement de recul, en murmurant d’une voix frémissante :

Mais alors… je ne peux pas l’épouser !… Je ne peux pas, dans des conditions pareilles…

Et pourquoi donc, ma chère petite ? Aviez-vous rêvé autre chose ? L’attitude d’Élie a-t-elle pu vous faire croire qu’il en serait autrement ?

Un observateur aurait perçu des inflexions inquiètes dans la voix de la marquise. Mais Valderez était toute à son émoi douloureux.

Soudainement, la brève petite scène de la veille, au moment où il prenait congé d’elle, se retraçait à ses yeux. Elle entendait la voix chaude aux intonations presque tendres, elle revoyait le regard d’ensorcelante douceur, elle sentait sur sa main la caresse de ce baiser. À ce moment-là, elle avait vu ses craintes s’évanouir presque complètement…

Et, d’après ce que disait Mme de Ghiliac, elle n’aurait été pour lui, déjà, que l’intéressant “sujet d’étude” dont il s’amusait à faire vibrer le cœur ?

Oh ! non, non, ce n’était pas possible !

Et cependant, comme tout ce qu’on lui apprenait là concordait bien avec la précédente attitude, si froide, de cet étrange fiancé, avec sa physionomie énigmatique et son sourire sceptique, avec son tranquille aveu d’indifférence paternelle ! Comme tout cela, aussi, expliquait bien l’instinctive défiance éprouvée par elle à l’égard d’Élie de Ghiliac !

Elle murmura, en réponse à la question de Mme de Ghiliac :

J’avais espéré que, peu à peu, l’affection naîtrait entre nous. Mais vous m’apprenez que M. de Ghiliac me refusera la sienne, et qu’il n’accepterait pas d’attachement de ma part…

Le beau visage, quelques secondes auparavant empourpré, se décolorait de nouveau. Les mots avaient peine à sortir des lèvres sèches de la jeune fille.

Si, pourvu que cet attachement soit raisonnable et ne le gêne en rien. Je regrette de vous avoir émue ainsi, mon enfant, ajouta Mme de Ghiliac avec un rapide coup d’œil sur cette physionomie altérée. Vous me semblez bien impressionnable, pauvre petite, et vous ferez bien de vous dominer sur ce point, car vous souffririez trop près d’Élie, très ennemi de la sensibilité. Croyez-en mon expérience, Valderez, faites-vous un cœur très calme, acceptez les quelques satisfactions qui seront votre lot, sans rêver à ce qui pourrait être. Élie sera un bon mari si vous restez toujours docile et sérieuse ; il ne vous gênera pas beaucoup, car il résidera souvent à Paris ou voyagera au loin, et vous aurez une vie très paisible, très heureuse dans ce château d’Arnelles, qui est une merveille.

Les mots bourdonnaient aux oreilles de Valderez. N’était-elle pas en proie à un songe douloureux ? Mais non, Mme de Ghiliac était là devant elle, très grave, visiblement sincère. Elle la prévenait par bonté, par compassion pour son inexpérience, elle qui avait eu sous les yeux l’exemple du premier mariage.

Mme de Ghiliac posa la main sur son épaule.

N’y avait-il pas quelques rêves romanesques dans cette petite tête-là ? dit-elle à mi-voix. Il m’étonnerait bien qu’il en fût autrement, car vous seriez la première femme qui ne serait pas, plus ou moins, amoureuse d’Élie. N’imitez pas Fernande, ma pauvre enfant, elle en a trop souffert. Gardez votre cœur, puisque lui ne vous donnera jamais le sien.

Du dehors, la voix de Marthe demanda :

Es-tu prête, Valderez ?

Oui, nous descendons, répondit Mme de Ghiliac.

Et, prenant la petite main glacée sous le gant, elle ajouta à voix basse :

Vous ne me garderez pas rancune, ma chère enfant, de vous avoir ainsi, sur votre demande, enlevé quelques-unes de vos illusions ?

Quelques-unes ! Hélas ! où étaient ses pauvres petites illusions, ses timides espoirs !

Non, madame, répondit-elle d’une voix tremblante. Je vous remercie, au contraire, de m’avoir éclairée d’avance sur le rôle que je dois remplir près de M. de Ghiliac. J’avoue qu’il n’est guère conforme à l’idée que je m’étais faite du mariage, et que si j’avais su…

Elle n’acheva pas, mais ses lèvres tremblèrent plus fort.

Mme de Ghiliac ne répliqua rien. Ouvrant la porte, elle sortit, suivie de Valderez. Quand toutes deux entrèrent dans le salon, un discret murmure d’admiration courut parmi ceux qui étaient réunis là. M. de Ghiliac, interrompant brusquement sa conversation avec le prince Sterkine et Roland de Noclare, l’aîné des frères de Valderez, enveloppa d’un long regard la jeune fiancée, si belle dans cette robe à longue traîne, qui accentuait l’incomparable élégance de son allure, sous le voile de tulle léger qui idéalisait encore son admirable visage. Puis il s’avança vers elle, lui prit la main pour la baiser…

Qu’avez-vous ? Vous êtes glacée !… dit-il vivement. Et vous semblez souffrante…

Non, je vous remercie… un peu fatiguée seulement, répondit-elle, en essayant de raffermir sa voix, et en détournant les yeux.

Elle s’écarta pour saluer Mme de Trollens. Quelques instants plus tard, elle était assise, avec son père, dans le traîneau doublé de velours blanc et garni de superbes fourrures, qui était arrivé la veille aux Hauts-Sapins.

Pendant le trajet, M. de Noclare ne lui laissa pas le loisir de réfléchir, de coordonner ses pensées angoissantes. Il était agité par une exaltation orgueilleuse qui le rendait d’une loquacité intarissable sur son futur gendre et sa famille. Ce fut un peu comme une somnambule que Valderez entra, au bras de son père, dans la vieille petite église, décorée à profusion de fleurs venues du littoral méditerranéen. L’avant-veille, M. de Ghiliac avait informé son beau-père que deux de ses jardiniers de Cannes arriveraient le lendemain avec les fleurs nécessaires à l’ornementation du sanctuaire, dont ils assumaient la tâche. C’était le seul luxe de cette cérémonie — et c’était chose exquise que ces fleurs blanches, délicates et parfumées, voilant la décrépitude des murailles, couvrant l’autel, décorant le chœur et descendant, en une haie embaumée, jusqu’au prie-Dieu où s’agenouillait la jeune fiancée.

Mais Valderez ne voyait rien. La tête entre ses mains, elle jetait vers le ciel le cri d’angoisse de son cœur désemparé. Que faire ? Si c’était vrai, pourtant ? Si cet homme n’était que le froid dilettante, l’époux et le père odieux que les paroles de Mme de Ghiliac lui avaient dévoilé ?

Et ce devait être vrai. Cette femme distinguée et visiblement intelligente ne se serait pas abaissée à des inventions, contre son fils surtout. D’ailleurs tout était si plausible ! Dès le premier jour, il l’avait inquiétée. Quelle froideur, lors de leurs fiançailles ! Comme il avait tenu à bien lui témoigner son indifférence ! Il craignait probablement que, telle la première femme, Valderez ne s’attachât trop fortement à lui ? Et cette raillerie si fréquente, ces lueurs d’indéfinissable ironie traversant son regard ? Et… tout, enfin, tout, — jusqu’à son attitude de la veille, d’abord revenue à la froideur première ; puis, le soir, se faisant tout à coup si enveloppante, si intime, pendant ce court instant où Valderez, pour la première fois depuis ses fiançailles, avait senti courir en elle une sensation de bonheur craintif.

Elle frissonna lorsque, en relevant la tête, elle le vit près d’elle, debout, les bras croisés.

Le curé apparaissait, précédé de ses enfants de chœur. À l’orgue, la fille du notaire de Saint-Savinien jouait un prélude dont le ton grave s’harmonisait avec les pensées anxieuses de Valderez. Un parfum un peu capiteux, s’exhalant de toutes ces fleurs, emplissait la petite église. Valderez sentait une sorte d’étourdissement lui monter au cerveau, il lui semblait que, devant elle, s’ouvrait un chemin très sombre, où elle allait s’engager en aveugle.

Mon Dieu ! Mon Dieu ! que dois-je faire ? priait-elle du fond du cœur.

Le curé commençait son allocution. Valderez l’écoutait comme en un rêve ; mais cependant son esprit anxieux cherchait à saisir un mot qui l’éclairât dans sa détresse…

Vous devrez, monsieur, aimer votre épouse comme Jésus-Christ a aimé son Église. Et qu’est-ce à dire ? Jésus-Christ n’a-t-il pas aimé cette épouse mystique jusqu’à se dépenser tout entier pour elle ? Ne veille-t-il pas chaque jour sur elle avec une tendre sollicitude ? N’est-elle pas pour lui supérieure à toutes les richesses, plus belle que toutes les merveilles accumulées sur terre et dans les cieux par sa toute-puissance créatrice ? Ainsi, monsieur, devrez-vous aimer celle qui va devenir devant Dieu votre compagne.

Presque involontairement, Valderez leva les yeux vers M. de Ghiliac. La tête un peu redressée, il regardait attentivement le curé, et aucune émotion ne se discernait sur ce visage hautain et calme. Probablement, le romancier étudiait ce type de prêtre rustique, tout en souriant au-dedans de lui-même de la naïveté de cet excellent homme qui l’engageait si bien à aimer sa femme, à l’aimer avec dévouement, à l’aimer, après Dieu, plus que tout au monde.

Et vous, ma chère enfant, que devrez-vous faire, sinon vous attacher votre époux, comme l’Église l’est à son Divin Chef ?… sinon lui être fidèle dans les persécutions et les traverses, dans la douleur comme dans la joie ? sinon l’aimer fortement, chrétiennement, et vous tenir prête à tout lui sacrifier, hors ce qui a trait au salut de votre âme ?

L’aimer !

Mais, maintenant, elle ne l’oserait plus ! La crainte d’être dupe, de ne trouver chez lui que la froide curiosité du psychologue et l’amusement du dilettante, la paralyserait toujours, mettrait en son cœur une continuelle défiance. Oh ! pourquoi Mme de Ghiliac lui avait-elle dit ?… Elle s’était si bien efforcée, par la prière et de sérieuses réflexions, de se préparer à ses nouveaux devoirs, d’envisager avec calme l’obligation de s’attacher à cet époux inconnu ! Et maintenant, elle ne savait plus que faire, le doute et l’angoisse bouillonnaient dans son pauvre cerveau anxieux…

Et, cependant, si Mme de Ghiliac n’avait pas parlé, elle ne se serait pas défiée, elle aurait, tout simplement, donné son jeune cœur confiant…

Que croire ? Oh ! que croire ?” pensa-t-elle éperdument.

Eh bien, Valderez ?

M. de Ghiliac se penchait un peu, en murmurant ces mots d’une voix légèrement surprise. Valderez tressaillit en s’apercevant que le moment était venu de s’avancer vers l’autel. Elle fit machinalement les quelques pas nécessaires, elle se plaça près d’Élie. Un nuage passait devant ses yeux, il lui semblait que les fleurs, les lumières dansaient une sarabande autour d’elle…

La voix nette de M. de Ghiliac, répondant un oui très bref et très résolu à la question du prêtre, l’arracha à cet état de demi-inconscience. Le curé demandait maintenant :

Valderez de Noclare, acceptez-vous pour votre légitime époux Élie-Gabriel-Bernard de Roveyre de Ghiliac ?

Dans l’église, le silence complet s’était fait. Valderez entendait battre son cœur à grands coups affolés. Une angoisse plus profonde l’assaillit, la fit frémir jusqu’au fond de l’être. Elle leva les yeux vers le prêtre, et le bon vieillard y lut une interrogation poignante. Sa pauvre petite brebis implorait son secours. Mais pour quel motif ?

Valderez sentit se poser sur elle le regard de M. de Ghiliac. Autour d’elle, tous attendaient. Un moment encore, et l’on s’étonnerait de cette hésitation étrange…

D’une voix basse, un peu étranglée, elle prononça le mot qui l’unissait à Élie de Ghiliac.

C’était fini, elle était sa femme. Il lui prit la main pour y mettre l’anneau du mariage. Mais cette petite main, brûlante maintenant, tremblait si fort qu’il dut s’y reprendre à deux fois pour glisser l’anneau au doigt.

À la sacristie, tous remarquèrent la mine défaite de la jeune femme, et quand elle descendit l’étroite nef au bras de M. de Ghiliac, les chuchotements : “Comme ils sont beaux !” furent suivis de celui-ci : “Comme elle est pâle !

M. de Ghiliac fit monter sa femme dans le traîneau, l’enveloppa de fourrures et s’assit près d’elle. Pendant le trajet, assez court d’ailleurs, de l’église aux Hauts-Sapins, ils n’échangèrent pas un mot. Valderez détournait un peu la tête pour échapper à ce regard qu’elle sentait peser sur elle, surpris et investigateur. Et son cœur battait toujours si vite !



À suivre...


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